Fabrication

La fabrication du chapeau en feutre de laine

Procédé et technique

La fabrication du chapeau en feutre de Laine comporte deux phases essentielles, réalisées dans deux groupes d’Ateliers distincts dont le second est la suite logique du premier.

Réalisation de la cloche

(ou du cône) dans un ensemble d’ateliers dénommé : LA FOULE.

Réalisation du chapeau fini

en partant de la cloche, dans un ensemble d’ateliers dénommé: L’APPROPRIAGE.
Il faut préciser en préambule que, pour obtenir une belle cloche ou un excellent chapeau, la main et le savoir-faire de l’ouvrier ont une place prédominante, que la qualité de la laine est un élément important, mais aussi que la vapeur y tient un rôle indispensable. Dans la plupart des opérations de la fabrication, la cloche, et surtout le chapeau, sont soumis à une vaporisation intense. Le feutre devient ainsi très malléable et il peut être formé aux normes désirées.

En séchant, soit en étuve, soit sur bloc bois ou métal, il reste à ses nouvelles normes. C’est la présence permanente de la vapeur, de la chaleur qui rendent ce métier très pénible.

I- La foule

Dans les ateliers de la foule la laine de moutons ou d’agneaux
est transformée en feutre.
– Carbonisage
La laine est débarrassée des pailles et chardons, accrochées à la toison, par un trempage dans un bain d’eau chaude et très acidifiée.
Elle passe ensuite dans un four très chaud, 90 à 100°, où les fibres végétales achèvent de carboniser.

Obtenir la bonne laine

– Dégoudronnage
La laine subit ensuite un nouveau trempage, mais dans un solvant (benzène) pour dissoudre les taches de peintures ou de goudron du marquage du mouton.

– Mélange
On « marie » dans cet atelier des laines provenant de la « tonte » des moutons ‘laines dites « mères ») avec des « blousses » ‘fibres de laine trop courtes éliminées lors du peignage aux filatures de tissus.
Le pourcentage de ces laines varie en fonction de la qualité du feutre désiré: les laines mères donnent à la cloche son nerf, les blousses, sa douceur.

– Le Cardage
Il faut peigner cette laine mélangée. Ce peignage se fait dans une machine, la cardeuse. Il sort de celle-ci un voile de texture homogène, de 1mm d’épaisseur environ, qui s’enroule automatiquement sur un rouleau.

-L’enroulage
Cette opération est faite en deux temps:
– Le matelas de laine cardée est repris, pour être peigné une deuxième fois sur une cardeuse plus réduite. Cette opération améliore le cardage, et elle permet d’obtenir, à la sortie, un voile plus étroit en fonction de la taille de la cloche désirée.
– Ce voile est aussitôt repris, enroulé et croisé sur un double cône par l’ouvrière. Ces cônes sont en bois, tournant et pivotant simultanément. L’ouvrière fabrique deux cloches en même temps, qui prennent le nom de bastissage.
Le poids et la taille du bastissage ainsi obtenus sont fonction de la cloche désirée en fin de foul. Pour un chapeau classique, il faut une cloche de 110 à 115 gr, pour un chapeau cow-boy une cloche de 150 à 160 gr.

Le feutrage

– Le Semoussage (ou premier feutrage)
Le bastissage est comprimé entre une plaque de dessous vaporisante et une plaque de dessus vibrante.
Un intercalaire en toile est placé au milieu du bastissage, il permet à celui-ci de rester en cône, en empêchant le contact des faces internes du bastissage.
-Multirouleaux (et deuxième feutrage)
les bastissages sont arrosés automatiquement, en pluie par de l’eau chaude acidifiée à 5% d’acide sulfurique. Ils sont entraînés ensuite entre des rouleaux de métal, gaufrés, vibrants et qui tournent. Dix-huit passages sont nécessaires entre ces rouleaux. A chaque passage, le bastissage est ouvert et croisé par une ouvrière afin d’obtenir un feutre bien homogène.

Naissance de la cloche

– Foulons (pour le troisième feutrage)
Les bastissages sont placés dans la cuve du foulon. Ils sont malaxés par deux masses en bois cranté qui s’abaissent et se lèvent alternativement dans la cuve. Cette opération dure de 30 à 45 minutes en fonction de la taille demandée.

Multirouleaux et foulons réduisent, en les feutrant, la surface et la taille des bastissages, pratiquement jusqu’à leurs normes définitives.

La couleur

-Teinture
Les bastissages, que l’on appelle maintenant cloches, sont placés dans un bac en inox contenant un bain chaud, acidifié à 3 ou 5%, à la teinture désirée.
Un mouvement de rotation est donné par un bras et une hélice permettant une bonne répartition du colorant.
Durée de cette opération: 2 heures environ.

Affinage du feutre

– Foulon et Multirouleaux (deuxième passage)

On repasse les cloches au foulon afin de resserer le feutre qui a un peu gonflé pendant le passage à la teinturière, et achever de les mettre à la taille.
Les cloches ayant un peu souffert pendant ce deuxième passage au foulon, on les repasse rapidement aux multi-rouleaux pour les défriper et affiner le feutre.

Dégageuse de tête

Les différentes opérations de feutrage et de foulage ont rendu la tête de la cloche trop pointue.
Après avoir été très vaporisée, la tête est légèrement arrondie en passant sur la dégageuse de tête.
Les cônes sont mis à cheval (2 par 2) sur une calotte de métal plus ovalisée. L’ensemble est coiffé, dans un mouvement de va-et-vient par une autre calotte de métal qui tourne en même temps.

Le clochage

Cette opération a pour but de donner au cône sa forme et sa taille définitives. Il en sort uni et bien calibré, ce qui favorise d’ailleurs le ponçage.

Pour cela la cloche (ou cône) est très vaporisée. Elle est placée et étirée par l’ouvrier (clocheur) sur une forme en bois au gabarit désiré. La taille, prise à cheval en cm, est définitivement donnée.

Le clochage autrefois très pénible et traumatisant pour les mains, s’effectue désormais à une machine où des griffes remplacent les mains de l’Homme.

Le ponçage

Après avoir été séché dans une étuve à 60 ou 80°, le cône est poncé.

Le ponçage permet d’obtenir une cloche très lisse au toucher. Pour cela la cloche est placée sur une forme en bois aux dimensions de la forme du clochage. Cette forme tourne très vite. L’ouvrier garde la cloche plaquée sur la forme en bois, d’une main, et de l’autre frotte et ponce avec un papier de verre. Il faut un très bon « toucher » pour n’enlever que juste ce qu’il faut et ne pas « brûler » la cloche. La cloche poncée est « battue » dans une machine à lanières, elle est ensuite brossée sur le tout de ponce. Battoir et brossage enlèvent les bourres de laine du ponçage.

La cloche est terminée. Elle entre en magasin où, en principe elle doit « reposer » 5 à 6 semaines avant d’être utilisée à la fabrication du chapeau proprement dit.

2- L’appropriage

L’appropriage est l’ensemble des ateliers où l’on transforme la cloche – ou cône- en chapeau fini, prêt à porter.

La forme, le toucher, la finition, la garniture de ce chapeau peuvent être différents.

Apprêtage.

Il est destiné à renforcer la tenue de ce chapeau, sans le rendre cassant. La cloche est enduite d’un apprêt végétal, la gomme laque, cet apprêt est réparti sur une largeur de 10/12 cm en partant du bord entre 2 blocs coniques. Pour la tête, l’apprêtage est effectué au pistolet avec une concentration plus légère.

Dégageage des bords

Le cône, vaporisé constamment, est plaqué sur une forme faite de rouleaux légèrement espacés, mais dont l’ensemble est conique. L’ensemble cloche et rouleaux tourne et s’emboîte dans un mouvement de va et vient sous des griffes arrondies qui glissent dans les petits intervalles des rouleaux. La cloche s’évase insensiblement et devient une ébauche de chapeau.

Le dressage

Pendant cette opération, cette ébauche de chapeau devient déjà une véritable coiffure avec une tête et des bords bien définis. Longtemps exécuté avec les mains, le dressage est devenu moins pénible avec des machines mieux adaptées.

Le chapeau est placé dans la machine la tête en bas, dans une matrice femelle en bronze à la pointure désirée. Les bords sont tenus par des griffes, une contre-partie en bois s’adaptant parfaitement est placée dans ce qui sera la tête.

L’ensemble est très vaporisé pendant que les griffes tirent sur les bords et que la contre-partie rentre dans la tête.

Quand les dimensions désirées sont atteintes, le tout est bloqué et le chapeau est seché par aspiration d’air.

Le rasage

Il a pour but de donner au chapeau son toucher: ras ou lustré, ou soyeux, ou velouté. Il se fait soit avec un papier verre plus ou moins fin pour les ras, soit avec une peau de chien de mer pour les satinés. Le papier de verre ou la peau de chien de mer sont fixés sur une roue de 10 à 15 cm qui « frotte » contre le chapeau.

La pression de la roue sur le chapeau est donnée par l’ouvrière. Le savoir-faire manuel est primordial, il faut raser, mais pas trop, d’une façon uniforme, et sans instrument de mesure. Tout se juge à la main et à l’oeil. Le choix du papier verre est également important.

Le formage

Il existe 2 genres de mises en forme:

  • à la machine dite pédale: avec 2 blocs alu, chauffés à 100/120°, répliques exactes du chapeau demandé. Le bloc femelle est fixe. Le bloc mâle actionné par une pédale commandée au pied s’emboîte très exactement dans le bloc femelle. Le chapeau « dégagé » de bord, bien vaporisé est placé sur le bloc pédale dont il épouse toute la surface. Le bloc et le chapeau sont bloqués dans le bloc femelle jusqu’à ce que le feutre soit parfaitement sec, à sa forme définitive.
  • à la presse hydraulique: le bloc femelle est fixe, chauffé à la vapeur. Le chapeau « dressé » est placé dans le bloc femelle, tête en bas. Le dessus de la presse est rabattu et bloqué sur l’ensemble permettant à une membrane de caoutchouc de pénétrer dans la tête et de couvrir les bords. La membrane gonflée à l’eau sous pression (8/10 Kg en moyenne) plaque le chapeau sur le bloc femelle. Le chapeau prend sa forme définitive.

Le rognage

Il permet de tailler ou trancher le bord à la dimension voulue soit aux ciseaux, soit au rabot. Le rabot est une lame tranchante prise dans un étau mobile que l’ouvrier manoeuvre en prenant appui sur la tête du chapeau.

Piquage et garnissage

Ces opérations permettent de réaliser des fantaisies et des présentations différentes.

Replié feutre : L’extrémité du bord, aminci, est replié sur une largeur de 2, 3 ou 4 mm

Bordure : On pique à cheval sur la tranche du bord un galon de 6 ou 10 mm. On peut faire également sur le chapeau ou sur son galon des fantaisies différentes.

La pose du galon et celle du cuir à l’intérieur: le galon et le cuir qui se posaient naguère à la main, le sont dorénavant à la machine à piquer.

Matriçage

Il donne au chapeau sa tournure de bord définitive. Le chapeau tête en bas est placé sur un collier de bois à la tournure désirée. Le chapeau bien vaporisé, protégé par une toile forte, est seché sous un sac de sable chaud qui le plaque contre le collier pendant quelques minutes.

Bichon

Il est destiné à redonner au chapeau son lustre qui a souffert durant les opérations de piquage, garnissage ou autre. Le chapeau est placé sur une forme tournante. L’ouvrier appuie sur le chapeau avec un mouvement de va-et-vient, sa main tenant une pelote enduite de corps gras.

Ecussonnage, emballage

Le chapeau est terminé. Si l’intérieur n’a pas été habillé avec une coiffe satin, on place au fer chaud, au milieu de la calotte, mais toujours à l’intérieur, un écusson choisi par le client, souvent personnalisé. Le chapeau est emballé, généralement dans les cartons, par pile de 6 ou 12, chaque chapeau étant séparé par une collerette en mousse protégeant son galon et évitant l’écrasement de la pile.

La Chapellerie, aperçu historique

Les circonstances ayant conduit à l’apparition de la fabrication de chapeaux dans la Haute-Vallée de l’Aude n’ont jamais été formellement établies. Des soldats originaires de la région de Bugarach, servant dans les armées royales durant la guerre de Sept ans auraient été faits prisonniers et retenus en Silésie où ils auraient découvert et appris les rudiments de la fabrication des chapeaux.